Impossible de changer ? Faux! C'est dans nos gènes...
J’entends régulièrement cette phrase fataliste : on ne change jamais ! Avez-vous déjà pensé cela ? Qu’est-ce que ça génère en vous ? De l’abattement, de la colère, de la tristesse ? La bonne nouvelle, c’est que c’est faux, archi-faux. Nous pouvons changer et d’ailleurs nous ne faisons que changer en permanence.
"Tout est en mouvement perpétuel."
Vous en doutez ? Que vous le veuillez ou non, votre corps, comme le mien, change constamment. Pas une seule partie de celui-ci ne reste identique au cours de notre vie... tout comme notre environnement d’ailleurs. Les vieilles cellules sont régulièrement remplacées par de nouvelles. Par exemple, les cellules de la muqueuse de l'estomac ont une durée de vie de 3 à 6 jours. Et le squelette humain adulte entier se régénère environ tous les 10 ans! Cela signifie que quel que soit votre âge, votre corps est beaucoup plus jeune que vous. Donc, même si vous avez 40 ans, au niveau cellulaire, vous n’en avez que 10 ! Même si nos neurones ne sont pas remplacés, le cerveau est un système dynamique et flexible qui se reconfigure constamment. Les connexions entre nos neurones changent en permanence.
Nos souvenirs sont mouvants
"Notre réalité" est changeante. Nos souvenirs se déforment, nous en oublions. Ça ne fonctionne pas comme une sauvegarde de données sur un disque dur. On se souvient de choses qui ne se sont jamais produites… Et, le plus souvent, nos souvenirs d’un événement sont composés, pour l'essentiel, d’informations génériques : les circonstances, l’ambiance, les sentiments vécus… Raisons pour lesquelles, par exemple, les témoins oculaires d’un accident peuvent avoir des récits non seulement divergents, mais aussi changeants. Rappelez-vous de classiques du cinéma comme Douze hommes en colère. Pourtant, il y a quand même aussi une part de vrai dans l’idée qu’on ne change pas. C’est pourquoi elle peut rebondir comme un miroir de nous-mêmes. Nous avons par exemple des mauvaises habitudes qui persistent. Il y a des choses que j’aurais envie de changer, mais je n’y arrive pas (encore). Ce serait difficile, compliqué car nous sommes accablés par des mécanismes néfastes. Nous réitérons des schémas de vie qui nous font du tort, recréons des circonstances qui nous font revivre de mauvaises expériences, comme les répétitions de relations toxiques. Nous avons l’impression que c’est tellement ancré, que cela nous dépasse tellement, qu’il est déjà trop tard… Nous nous résignons : “Mais je suis comme ça, c’est mon karma”...
Alors que faire ? Sommes-nous réellement incapables de changer ?
Nous sommes des êtres plastiques
Non, nous ne sommes pas en matière synthétique ! Mais notre cerveau a cette incroyable propriété : la plasticité. Il est capable d’altérer ses propriétés biologiques, chimiques et physiques. Au cours de notre existence, lorsque notre cerveau est soumis à certains environnements, il est capable de modifier sa structure et son fonctionnement . Cette capacité à modifier nos structures neuronales est donc inscrite au sein même de nos gènes. Dès lors, pour peu qu’on adopte les pratiques adéquates, il est possible de créer de nouveaux chemins neuronaux pour acquérir de nouvelles habitudes, des nouveaux comportements, et transformer la plastique de notre cerveau.
Changer = S’altérer
Catherine Malabou, philosophe française, s’est appuyée sur le concept de plasticité pour développer une théorie aux croisements de la philosophie et de la biologie. Pour elle, cette plasticité caractérise le vivant. “Si le cerveau est génétiquement déterminé pour une part, il est aussi ce qu’il se fait. Il est programmé pour, en quelque sorte, se déprogrammer et se reconfigurer sous l’influence de l’environnement, des habitudes, de l’éducation. Les configurations neuronales résultent de cette double action : elles sont formées et, en même temps, sculptent l’ensemble du système nerveux. La plasticité neuronale est très importante chez l’homme, mais elle est présente à différents degrés chez tous les animaux. J’en déduis que la plasticité est la caractéristique fondamentale du vivant.” C’est donc une bonne nouvelle. On peut donc voir notre cerveau et nos neurones comme de l’argile, ou de la plasticine si vous préférez. Physiologiquement, psychologiquement et philosophiquement nous pouvons nous transformer. "Au sens premier, le changement est une catégorie du mouvement, comme le remarquait Aristote. Mais il y a plusieurs types de changement. L’un est purement spatial : je me déplace d’un lieu à un autre. Ce mouvement n’implique aucune transformation. Mais si j’acquiers une habitude, ce changement est une altération, un devenir autre. Il y a des changements qui ne changent rien, d’autres qui changent tout. On s’altère soi-même dans ce qu’on fait. Cela ne fait pas nécessairement l’objet d’une décision ou d’une révolution brutales, cela arrive par glissements successifs qui, paradoxalement, tissent la fidélité à soi." Aristote avait donc déjà pressenti ce que l’on démontre scientifiquement aujourd’hui. Notre environnement, notre milieu, nos connaissances nous transforment. N’avez-vous jamais eu l’impression parfois en apprenant une nouvelle chose de vous sentir transformé ? Comme si l’acquisition de cette connaissance avait changé quelque chose en vous ?
Ne serait-il pas temps de provoquer cette altération en s’ouvrant à de nouvelles choses ?
La question n’est plus sommes-nous capables, mais pourquoi changer ? Et pour quoi...
Les personnes qui découvrent ou donnent une signification et une direction à leur vie s’accomplissent généralement plus que ceux qui ne le font pas. Ces derniers déclarent parfois ressentir comme un vide; et souffrent de cette absence de sens. Nous avons déjà parlé de cela à travers notamment la pensée et le témoignage de Viktor Frankl. Vous n’avez pas encore découvert ou donné un sens à votre vie ? Peut-être serait-ce là une première étape d’un changement bénéfique. Si vos idées sont déjà claires, alors pourriez-vous vous interroger sur la cohérence entre vos activités quotidiennes et les intentions qui vous animent. Que pourriez-vous modifier dans votre programme journalier, qui ferait en sorte que votre vie vous paraisse plus alignée avec ce qui vous anime profondément ?
Des petits ou un grand changement ?
Changer, s’altérer, se transformer, peut contribuer à notre bien-être et inscrire du sens dans nos vies. Et, bien sûr, c’est loin d’être évident. Cela implique d’oser exposer sa vie à plus de risques, de cultiver le courage de se confronter à de l’inconnu. Dans le Lachès, son dialogue sur le courage, Platon définissait celui-ci comme la fermeté de l’âme : se tenir à ce que l’on dit, faire en sorte que nos actes s’accordent avec nos paroles. Et si on essayait ? Si on arrêtait de se plaindre, et si on s’activait concrètement ? Quoi que nous entreprenions de transformer, que ce soit le renouvellement de notre vie entière, l'initiation d'une activité nouvelle ou l’abandon d’une mauvaise habitude, le changement démarre souvent avec un moment décisif, un déclic comme ceux décrit par la journaliste française Charlotte Savreux où nous décidons que ça ne peut plus continuer comme ça. On ressent un impératif : Il faut que ça change !. Alors soit on se lance et on passe le premier cap, soit on attend encore un peu, jusqu'au "moment propice" - le kairos comme l’appelaient les Grecs… Mais n’attendons quand même pas trop longtemps. Rappelons-nous du principal regret des personnes en fin de vie : J'aurais aimé oser…
En avant pour le changement… !
Pierre